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5 janvier 2008

Gaston

Né en 1957 dans la France des Trente Glorieuses, Gaston Lagaffe, créé par Franquin (1924-1997) pour illustrer sa propre flemme, s'est construit un CV plaqué or en 19 albums et des centaines de gags. Aujourd'hui, l'anar le plus poétique et le plus fantaisiste de la bande dessinée est l'une des vedettes - avec le Marsupilami - de l'exposition Le Monde de Franquin à la Cité des sciences et de l'industrie, qui met en scène un bureau bien connu recouvert d'inventions délirantes, une mouette ricanante, un «gaffophone» et un jean élimé avant les modes. A cette occasion, Corinne Maier, économiste et auteur de Bonjour paresse (Michalon), pamphlet best-seller sur «l'art et la nécessité d'en faire le moins possible en entreprise», décode le petit monde de Gaston. M'enfin!

Il ne fait rien et ça se voit

«Gaston Lagaffe est un col blanc, un employé adaptable à tout, censé être utile à sa société, en l'occurrence Le Journal de Spirou. Mais il en fait le moins possible et camoufle à peine son manque d'efficacité. Si le DRH ne le licencie pas, c'est parce qu'il y a du mou dans la rédaction et que l'époque est différente. Cela ressemble un peu au travail obligatoire en Russie soviétique, quand personne n'était productif et que chacun vaquait à ses occupations personnelles. Aujourd'hui, le salarié doit être rentable et Gaston serait obligé de faire semblant... Il faudrait qu'il s'habille petit cadre. Qu'il prenne l'air sérieux, parle le jargon de sa boîte, ait la culture d'entreprise... Prétendre être débordé sans rien faire, c'est un art.»

Le mythe du fainéant

«Franquin a inventé un anti-Tintin, un antihéros, mais la paresse de Gaston Lagaffe est une forme de résistance au système. Gaston est un individualiste, un anar, un libertaire, qui se fiche de la collectivité. Précurseur de Mai 68, il s'est imposé pour plusieurs générations comme l'archétype de l'employé de bureau tire-au-flanc. Gaston est un exutoire. Cela dit, pour lui, les 35 heures, les RTT, le mi-temps, c'est du temps mort, la dépression assurée. Son champ d'action reste l'univers du travail. Gaston se réalise dans l'entreprise, même s'il en fausse le système. C'est un génie de l'invention malfaisante qui désorganise les choses. Par ses actions incroyables, Gaston remet l'individu au centre d'un mécanisme dont il est exclu. Il est dans l'entreprise mais aussi contre elle d'une façon naïve, sans esprit de nuire. Les Gastons d'aujourd'hui plombent leur boîte en connaissance de cause. D'après un sondage Ifop cité en 2003 par Enjeux-Les Echos, 17% des cadres français sont "activement désengagés" de leur travail et leur attitude s'apparente à du sabotage.»

Quelles solutions pour Gaston?

«Les postes qui ont sauté en premier dans les années 1980 sont précisément ceux de Gaston - employé de bureau - et de Mademoiselle Jeanne - dactylo. Les secrétaires sont devenues des assistantes de rédaction, bilingues, diplômées bac + 2. Le boulot de Mademoiselle Jeanne est désormais informatisé ou sous-traité. Quant à Gaston, son côté créatif pourrait être récupéré par ces nouveaux métiers - informatique, start-up - qui permettent aux gens décalés de monter dans le train social. Hélas pour lui, le déclic ne s'est jamais fait: ses inventions ne sont pas valorisées. C'est un loser aux yeux de ceux qui veulent grimper dans la hiérarchie sociale. Gaston Lagaffe est un senior qui appartient plus ou moins à la génération des baby-boomers, dont un tiers seulement reste en activité. S'il était à la retraite, je le verrais bien élever des chèvres.»

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