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30 novembre 2009

Rétrospective Willy Vandersteen à la Maison de la BD

Mort à 77 ans, l'âge où l'on devait arrêter de lire le journal Tintin, Willy Vandersteen a écrit l'histoire de la bande dessinée flamande en lettres d'or. Ce diable de raconteur a produit plus d'un millier de titres et publié 25 séries différentes. A la tête de son propre studio dès 1952, il a laissé un empire éditorial qui vend quatre millions d'albums par an.

Bob et Bobette, héros de l'étéDans cette case des « Martiens sont là » parue dans « Tintin », la proximité entre le trait de Vandersteen et la ligne claire d’Hergé saute aux yeux. © Standaard.

Ricky et Bobette sont nés le 30 mars 1945 dans le journal De Dag. Dès le second épisode, Ricky, trop proche de Tintin, est remplacé par Bob. Tante Sidonie fait déjà partie de la famille. Lambique et Jérôme la rejoignent un peu plus tard.

En 1949, le fondateur du journal Tintin, Raymond Leblanc, cherche de nouveaux talents. Le succès de Bob et Bobette pourrait booster les ventes de Kuifje, l'édition flamande de Tintin. Leblanc attire Vandersteen mais le directeur artistique du journal, Hergé, s'oppose à l'irruption de Bob et Bobette aux côtés de Tintin. Les personnages sont trop éloignés de la ligne claire.

Le rédacteur en chef de Kuifje, Karel Van Milleghem, et Raymond Leblanc vont convaincre l'auteur de faire évoluer son dessin. « Quand je suis arrivé, je me suis fait taper sur les doigts par le directeur artistique !, racontera Vandersteen. Mes dessins étaient trop caricaturaux. Cela manquait surtout de lisibilité. Il est vrai que jusqu'alors, je ne me souciais guère des proportions et des perspectives. Je laissais courir mon crayon. Hergé, qui est un perfectionniste et qui entend volontiers imposer son style à tout le monde, m'a contraint à plus de discipline. Tout en sachant que je ne parviendrais sans doute jamais au niveau d'épuration qui est le sien, je me suis plié à ses exigences. »

Entre 1949 et 1959, Vandersteen dessinera, sous la direction artistique d'Hergé, huit albums pour le journal Tintin, considérés comme autant de chefs-d'œuvre. Ils sont entrés dans l'histoire sous le label de la Collection bleue, en raison de la couleur bleue de la couverture et par opposition à la couleur rouge des Bob et Bobette, parus dans le Standaard et publiés en français aux éditions Erasme. Vandersteen y trouve l'équilibre entre sa spontanéité et la crédibilité du trait hergéen. Bob et Bobette préfèrent désormais les décors de Monaco, Venise ou Bruges aux cités imaginaires. Hergé applaudit : « Willy Vandersteen est le Breughel de la bande dessinée ! »

L'évolution n'est pas seulement graphique. Bob et Bobette se séparent de Tante Sidonie, qui comme chacun le sait n'est pas la femme de Lambique alors qu'elle vit sous le même toit : impensable dans la petite bourgeoisie francophone des années 1950 ! L'insupportable Bobette coupe ses couettes rebelles, se transforme en jeune fille modèle et adopte un chignon sage. Bob se mue en jeune garçon courageux sur le modèle de Tintin. Lambique se pique d'être un Tonton sérieux.

« Willy a ce don très rare d'imaginer des histoires tout à fait insensées, qui échappent à toute logique. Avec Le fantôme espagnol, il vient enfin de prouver qu'il est un illustrateur talentueux et d'une prodigieuse efficacité. », daisait Bob De Moor, le bras droit d'Hergé. 

Quand Bob et Bobette rejoignent Tintin, Vandersteen accepte de couler ses personnages dans le modèle de précision et de clarté graphique souhaité par Hergé. En 1950, Vandersteen posait un regard sans langue de bois sur la métamorphose de ses héros. « Je pense que si l'on veut sortir le lecteur du train-train quotidien, il faut le faire avec des trucs qui ne peuvent exister que sur le papier mais Hergé ne partage pas cet avis. Il désapprouve ce qui n'est pas plausible et il estime que c'est se moquer du public que d'exploiter des invraisemblances trop flagrantes. Il est vrai que chez lui, tout reste dans les limites du possible et que chaque détail est vérifié méticuleusement. Cette divergence d'opinions s'explique sans doute par nos différences d'éducation. Moi, j'ai pratiquement grandi dans la rue et toutes les folies, je crois que je les ai commises. Mes personnages appartiennent à ce même univers populaire où la débrouillardise compense la pauvreté des moyens et où l'imaginaire sublime la banalité du vécu. Peut-on néanmoins réfuter les compétences d'un professionnel comme Hergé ? Sur ses recommandations indéniablement justifiées, mon dessin s'est déjà clarifié. L'obligation qu'il m'a faite de modérer mes excès de loufoquerie se justifie peut-être tout autant. Le récit, je l'avoue, y gagne en lisibilité. »

Les albums dessinés pour Tintin sont, par ordre chronologique de parution : Le fantôme espagnol, La clef de bronze, Le casque tartare, Le trésor de Beersel, Les Martiens sont là, Le gladiateur mystère, Les masques blancs et La cavale d'or. Le Soir a réédité ces 8 albums ainsi que l'intégrale en quatre albums du Prince Riri (tous disponibles au Soir).

Depuis la disparition de l'auteur en 1990, une surproduction d'aventures commerciales a cependant dévalorisé leur cote.

Jusqu'au 10 janvier 2010, à la Maison de la BD, un hommage au talent de Vandersteen rassemblera des planches de différentes époques de sa carrière.

Texte : Didier Stiers et Daniel Couvreur, Le Soir, 22 juin 2009.

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